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Selon les indicateurs de cet Audit des pêches, la réponse est négative. Moins du tiers des stocks de poissons sauvages sont considérés comme sains; et la vaste majorité des stocks gravement épuisés n’ont pas de plan de rétablissement.
Les nouveaux règlements de la Loi sur les pêches introduits en avril 2022 peuvent, et doivent, marquer un tournant. Pêches et Océans Canada (MPO) a maintenant l’obligation légale de rétablir les populations de poissons du Canada pour soutenir des pêches durables et prospères, des communautés côtières fortes, et un océan plus résilient et plus abondant.
Mais pour que les exigences légales s’appliquent, l’état de santé des stocks doit d’abord être défini. Et malheureusement, une grande proportion de stocks - 37 % - continue de stagner dans la catégorie « incertain » du MPO.
Cela n’est pas nécessaire. Il existe déjà assez de données pour attribuer à plusieurs de ces stocks un statut provisoire afin de commencer à les gérer selon les exigences de la Loi sur les pêches. Selon l’analyse récente d’Oceana Canada, près du quart de ces stocks « incertains » sont probablement gravement épuisés.
Mais comme le souligne l’Audit des pêches de cette année, il ne s’agit pas du seul problème que doit aborder le gouvernement.
Trois ans après la parution de la Politique nationale de surveillance des pêches, celle-ci n’a pas encore été totalement implantée dans une seule pêche. Parallèlement, le pourcentage de stocks ayant reçu une évaluation récente a diminué.
De plus, le MPO ne tient pas compte du nombre croissant de recherches sur le climat. Bien que plusieurs études démontrent l’effet des changements climatiques sur les poissons, cette science ne se reflète pas dans les évaluations ou les plans de gestion des pêches. C’est inquiétant pour des espèces comme la crevette et le crabe des neiges, particulièrement vulnérables à l’acidification des océans, aux vagues de chaleur marine extrêmes et à d’autres impacts liés au climat.
Crédit photo : iStock/LaSalle-Photo
Une autre préoccupation est l’état des poissons-fourrage : ces espèces qui nourrissent les baleines, oiseaux de mer et plusieurs poissons commerciaux. Cette année, le MPO a mis fin à la pêche commerciale de deux stocks de hareng et de maquereau gravement épuisés. Cependant, d’autres stocks de poisson-fourrage dangereusement épuisés, comme le capelan, sont toujours surpêchés. Avec un quota fixé à l’encontre des avis scientifiques et des principes de précaution, le capelan n’a aucune chance de se rétablir.
Le gouvernement canadien applique l’approche de précaution dans la gestion des pêches de manière irrégulière depuis trop longtemps, et les conséquences sont désastreuses. Au lieu de prioriser les rendements à court terme, il est temps de privilégier la valeur à long terme d’un océan résilient.
Il existe un large consensus sur la marche à suivre : le MPO doit adopter une approche écosystémique qui tient compte des interactions entre les espèces et un environnement changeant. Il doit respecter ses propres politiques et prendre des décisions fondées sur la meilleure science disponible, et ne pas laisser le manque de données retarder les mesures nécessaires. Il doit en faire plus pour mobiliser les systèmes de connaissances autochtones afin de faire progresser la réconciliation et tirer parti de l’expertise et des leçons précieuses des peuples autochtones. Les recommandations de cet audit proposent des mesures pour concrétiser ces priorités.
Lorsque nous donnons aux océans leur chance, ils ont un énorme potentiel de reconstitution ; ils aident à soutenir les communautés et les cultures côtières, à soutenir une industrie des produits de la mer florissante et à nourrir les populations du monde entier.
Il n’y a plus de temps à perdre. Le Canada dispose des lois et des ressources nécessaires pour rétablir l’abondance de nos océans. Il faut maintenant agir. La santé de nos océans et de tous ceux qui en dépendent est en jeu.
Depuis six ans, Oceana Canada évalue l’état des pêches au Canada et la façon dont le gouvernement utilise les données scientifiques, de surveillance et de gestion pour rétablir l’abondance dans nos océans. En 2022, plusieurs indicateurs de gestion ont continué à stagner, malgré les engagements clairs du MPO en matière de politiques et plans de travail. Cela se traduit par des stocks épuisés, de la surpêche, un manque de données probantes et des efforts insuffisants pour rétablir les populations épuisées. Ce bilan présente les principales conclusions pour 2022, tandis qu’un examen approfondi des résultats commence à la page 8.
Depuis plus d’une demi-décennie, les indicateurs de bonne gestion de la pêche n’ont pratiquement pas changé. Cette année, une fois de plus, moins du tiers des stocks de poissons et d’invertébrés marins peuvent être considérés avec certitude comme sains, et près d’un stock sur cinq est toujours gravement épuisé. Ainsi, le nombre de stocks sains est en déclin depuis 2017
Depuis six ans qu’Oceana Canada publie ces audits, le nombre de pêches en santé a diminué et la plupart des indicateurs de gestion n’ont pas bougé.
Le MPO continue de qualifier d’« incertain » plus du tiers des stocks. Cependant, l’analyse d’Oceana Canada suggère qu’il existe suffisamment de données pour attribuer à plusieurs d’entre eux un état provisoire.† Il s’agit d’un premier pas crucial vers une gestion efficace et éclairée.
Le fait de faire passer les stocks du statut « incertain » à la zone « saine », de « prudence » ou « critique » fournit des indications essentielles sur les approches de gestion à adopter. En vertu des nouveaux règlements de la Loi sur les pêches modernisée, tous les stocks en zone critique doivent être accompagnés de plans de rétablissement. Ceux-ci doivent définir les objectifs de rétablissement du stock, y compris des cibles mesurables et des échéanciers. Parallèlement, les stocks en zone de prudence doivent être gérés de façon à favoriser leur croissance vers la zone saine.
Au fil du temps, cela se traduira par un plus grand nombre de stocks en santé et devrait empêcher les stocks en zone de prudence de glisser en territoire critique. Mais rien de tout cela n’est possible tant que le MPO n’aura pas réalisé les recherches nécessaires pour déterminer l’état de santé des 72 stocks au statut incertain.
Le MPO compte trois catégories pour qualifier l’état de santé des stocks de poissons. Elles sont déterminées par rapport à la biomasse du stock qui produirait le rendement maximal soutenu, ou (BRMS). Le rendement maximal soutenu (RMS) est la plus grande quantité de poissons pouvant être capturée, en théorie, sans affecter le maintien du stock à long terme.ϐ
Un stock est dans la zone saine lorsque sa biomasse dépasse 80 % du BRMS. Lorsqu’un stock se situe dans cette zone, les décisions de gestion de la pêche visent à le maintenir à ce niveau.
Un stock est dans la zone de prudence si sa biomasse se situe entre 40 % et 80 % du BRMS. Pour les stocks dans cette zone, les taux de capture devraient être diminués afin d’éviter l’épuisement du stock et favoriser son retour à la zone saine.
Un stock est dans la zone critique lorsque sa biomasse totalise moins de 40 % du BRMS. Un stock dans cette zone est gravement endommagé ; les mesures de conservation sont alors cruciales.
pour comprendre l’état des stocks, leur biologie et les effets qu’auront la pression de la pêche et les facteurs environnementaux à l’avenir.
pour déterminer le nombre de poissons récoltés et rejetés par toutes les sources d’activité de pêche.
fondées sur des données tenant compte d’un écosystème en évolution et privilégiant la santé, l’abondance et la prospérité des stocks à long terme plutôt que le rendement à court terme.
Cette année, le gouvernement fédéral a pris plusieurs décisions difficiles mais nécessaires qui priorisent le rétablissement de l’abondance du poisson. Mais dans d’autres cas, il n’a pas respecté les avis scientifiques et les directives du MPO sur l’approche de précaution. Cette incohérence montre qu’il reste du travail à faire pour améliorer la gestion des pêches au Canada.
Baisse de la pression exercée par la pêche afin de favoriser le rétablissement des stocks épuisés :
Maintien de quotas de pêche dangereusement élevés sur des stocks épuisés, compromettant leur rétablissement :
L’objectif de la GAE est de préserver la santé de l’ensemble comme de ses parties. Elle reconnaît les relations entre les éléments.
† Pour plus de détails, veuillez consulter le rapport A Fuller Picture of the State of Canada’s Fisheries : Assessments for Data-Limited Stocks d’Oceana Canada (en anglais seulement). https://oceana.ca/en/reports/a-fuller-picture-of-the-state-of-canadas-fisheriesassessments-for-data-limited-stocks/
ϐ Le RMS est une norme mondialement acceptée pour la gestion des pêches. Le Code de conduite pour une pêche responsable de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dont le Canada est signataire, indique que les gouvernements ou les autres organismes responsables de la gestion des pêches doivent adopter des mesures appropriées, fondées sur les meilleures preuves scientifiques disponibles, conçues pour maintenir ou rétablir les stocks à des niveaux capables de produire un rendement maximal durable.
ϖ https://www.pewtrusts.org/-/media/assets/2003/06/02/poc_summary.pdf
☼ Désigne la zone de convention de l’Organisation des pêches de l’Atlantique du Nord-Ouest (OPANO) correspondant à la zone de gestion du stock. Pour plus de détails, consultez la carte : https://www.nafo.int/About-us/Maps
₸ Un moratoire reste en vigueur pour la pêche commerciale de la morue du Nord, mais la pêche d’intendance a été autorisée à un niveau de récolte maximal de 12 999 tonnes. Il s’agit d’une prolongation du volume de 2021, qui ne respecte pas l’avis scientifique visant à maintenir les retraits par pêche au niveau le plus bas possible. La pression exercée par la pêche récréative est aussi importante, mais non comptabilisée.
¤ Le total admissible des captures (TAC) a été réduit de 33 % par rapport à l’année précédente. Toutefois, cette décision ne respecte pas le cadre de l’approche de précaution du gouvernement et va à l’encontre de sa propre évaluation de la stratégie de gestion, qui proposait une réduction des quotas de 63 %. En outre, les prélèvements d’appâts ne sont pas comptabilisés et sont largement incertains. Pour plus de détails : https://oceana.ca/en/blog/forage-fish-are-essential-to-the-marine-ecosystem/ (en anglais)